Pourquoi l’addiction ?

Pourquoi l'addiction ?

Il y a quelques semaines, j’avais publié sur mes réseaux sociaux cette image, En y laissant pour seul commentaire que le mécanisme de l’addiction y était résumé :

La construction psychique et l'addiction
De la tétine au canabis

Pour donner suite à nombreuses réactions, je me propose aujourd’hui de vous en dire un peu plus…

Qu’est-ce que l’addiction ? Quelle est son origine ? Qu’est-ce qui la guide ? Comment la soigner ? Sont autant de questions que les internautes se posent et auxquelles je vais tenter de répondre dans cet article, bien que le processus psychique qui se trouve derrière tout cela est complexe.

Qu’est-ce que l’addiction ?

Je commencerai par une petite définition qui vous permettra de voir l’étendue possible des types d’addictions : pour un psychanalyste, il s’agit d’une répétition d’actes susceptibles de provoquer du plaisir mais marqués par la dépendance à un objet matériel ou à une situation recherchée et consommées avec « avidité ».

L’addiction est un processus éminemment pulsionnel mais ce qu’il est important à retenir est qu’il s’agit d’actes : on allume une cigarette et on la consomme, on porte la bouteille aux lèvres et on la boit, on s’injecte une substance, on joue aux jeux d’argent, etc. dans une frénésie compulsive.

Là où la plupart des névrosés fantasment, les addicts agissent.

Là où le fantasme soutient un désir, l’acte compulsif cherche la jouissance immédiate et sans limite si bien que le désir n’a pas le temps de s’élaborer. Voilà le premier malheur des sujets dépendants (notez également que dans le cadre d’une dépendance affective, on retrouve ce manque de désir).

Quelle est l’origine de l’addiction ?

Pour comprendre le mécanisme, il faut remonter aux tout premiers instants de vie du nourrisson :

Le bébé ressent toute une quantité d’éprouvés dans son corps, de manière éparse, sans qu’il ne puisse aucunement se les représenter. Il ressent des sensations agréables (la chaleur de sa mère qui le rassure, le lait chaud qui s’écoule dans sa gorge et qui remplit son estomac, etc.) et des sensations désagréables (il peut avoir froid, faim, ressentir des douleurs abdominales, etc.).

Lorsque l’enfant crie, sa mère apporte une réponse à ce cri ; elle vient satisfaire le besoin de son enfant, ce qui place l’enfant dans un plaisir absolu !

A partir de ces premiers soins prodigués par la mère, les cris du bébé vont donc se transformer en demande : j’appelle Maman parce qu’elle a le pouvoir de me procurer le plaisir absolu.

(Pour les mamans qui me lisent, vous avez dû noter la différence sonore entre les premiers cris de votre bébé et les appels (sous forme de pleurs) qu’il émet au bout de quelques semaines. Le cri du nouveau-né se transforme en appel au bout de quelques temps).

C’est sur la base des premiers besoins physiologiques (par exemple : la faim) que le circuit pulsionnel de l’enfant va se construire. Ainsi, même en l’absence d’un quelconque besoin, l’enfant sera à la recherche constante de plaisir : c’est ainsi qu’en l’absence du sein ou du biberon, le bébé tétera une tétine ou son pouce, lui donnant l’illusion de retrouver une satisfaction similaire au plaisir ressenti pendant sa tétée.

Or, le plaisir n’est jamais aussi intense que celui originellement ressenti.

Chez les individus addicts, cette recherche de satisfaction perdure toute la vie : le pouce ou la tétine, qui était le substitut du sein nourricier, sera remplacé plus tard par les bonbons, les sodas. Puis, pour que s’associent au plaisir de la stimulation labiale les sensations corporelles, viendra la consommation de produits psychotropes (tabac, alcool, drogues…).

Pourquoi cette consommation, cet « acte de consommer » est répétitif ?

Il s’agit finalement moins d’une dépendance physique que d’une dépendance psychique. (De la dépendance physique, le corps peut se libérer au bout de quelques semaines d’abstinence)

La pulsion étant constante (je vous invite à lire l’essai sur les pulsions en cliquant ici), rien ne permet de la satisfaire totalement et le sujet s’inscrit alors dans une répétition de la consommation dans l’espoir que le plaisir absolu originel soit retrouvé. Pour y parvenir, il n’hésite donc pas à augmenter les doses au fil du temps.

Chez les sujets dépendants, la recherche est au-delà du plaisir, c’est une recherche de jouissance : contraintes, jouissance sans limite, auto-destruction sont les figures essentielles de l’addiction, au grand dam de l’entourage.

Voilà pour les généralités…

Pour autant, il ne vous a sans doute pas échappé que chaque dépendant a un comportement singulier face à l’absorption de sa drogue… L’heure à laquelle il la prend, les pertes de contrôle que cela occasionne, les changements de caractère… Personne n’est égal.

Pour quelle raison une même substance ne va-t-elle pas avoir le même effet chez les sujets ?

La réponse est à trouver dans la singularité de chacun et l’histoire intime, l’histoire traumatique du sujet.

Je vous donnerai quelques exemples en guise d’illustrations mais cette fois encore, je mets en garde : rien ne peut s’appliquer d’un sujet à un autre. Seule la psychanalyse peut mettre en lumière l’événement traumatique ou la série de micro-traumatismes d’origine.

  • Premier exemple : un sujet qui, sous l’effet de sa drogue, devient violent verbalement, répète par cet acte une situation traumatique vécue dans l’enfance : ainsi, peut-être a-t-il été témoin de disputes parentales qui l’ont particulièrement effrayé. Ainsi, se mettre dans la peau de celui qui crie et insulte lui procure l’illusion de maîtriser l’événement angoissant.
  • Deuxième exemple : un sujet qui s’alcoolise répétitivement jusqu’à se mettre à tituber est peut-être le moyen de se faire revivre la sensation qu’il a éprouvé non sans angoisse lorsque, bébé, il était porté de manière inadéquate, insécure.

(Un bébé mal porté va effectivement avoir l’impression de « tituber » et la sensation de risquer de tomber à tout moment)

  • Dernier exemple (mais ceux-ci pourraient se décliner à de milliers d’autres) : un sujet qui s’alcoolise régulièrement jusqu’au quasi-coma peut répéter, par cette compulsion, le fait de s’être senti « gavé » lors de ses premiers nourrissages. Il boit jusqu’à en perdre connaissance c’est à dire qu’il boit jusqu’à l’endormissement, endormissement qui lui garantissait, lorsqu’il était bébé, un arrêt de l’absorption de nourriture.

Ok mais alors, comment sortir de cette répétition ?

Comment soigner les addictions ?

Vous l’avez compris, par la psychanalyse il sera possible de remonter à l’origine du trauma afin de travailler à la libération des affects qui s’y trouvent liés. Il sera également possible de faire évoluer le processus pulsionnel qui restait jusque-là assez archaïque… Pour autant, il n’est pas possible d’effectuer un travail psychanalytique avec un patient qui consomme encore. Pour que le travail analytique puisse s’élaborer, le patient doit être en pleine possession de ses moyens.

La psychanalyse ne pourra donc s’envisager que dans un second temps.

Pour les personnes encore dépendantes et très dépendantes, il faudra nécessairement en passer d’abord par une cure de désintoxication et une psychothérapie de soutien. Il s’agit de moments particulièrement pénibles, où les sensations de manque se font cruellement sentir ; il s’agit de périodes pendant lesquelles les risques de rechute sont importants.

Mes derniers mots s’adressent à l’entourage de ces malades, un entourage qui s’inquiète, parfois s’agace, souvent culpabilise…

A vous, compagnes et compagnons de personnes dépendantes, parents et amis, je vous dirai deux choses :

  • La première est que tant que votre proche malade est dans le déni de sa maladie, rien ne peut l’en sortir… Mais vous-même êtes dans un phénomène que l’on appelle de co-dépendance et il est impératif pour vous, si vous êtes dans cette situation, de ne pas rester seul, de vous faire soutenir et de consulter vous-même un professionnel. (Retrouvez l‘article sur la co-dépendance qui vous indique les associations de soutien existantes)
  • La deuxième est qu’à partir du moment où le malade est sorti du déni et a accepté une prise en charge : faîtes-lui confiance ! Les rechutes sont fréquentes mais font parties du parcours, ne culpabilisez jamais le malade, ne culpabilisez jamais vous-même.

Accordez votre confiance au personnel médico-psychologique qui encadre votre proche, accordez votre confiance au malade lui-même et accordez-vous de la confiance à vous-même.

Chacun de vos actes a des choses à vous révéler, apprenez à les repérer 😉

Si vous éprouvez des difficultés à surmonter votre stress, n’hésitez pas à me contacter :

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